samedi 18 mai 2013

#Review Musique - Andreas Ottensamer @ Yellow Lounge (Gretchen)

photo credit: Stefan Hoederath
Il y a ceux qui ne se lassent jamais de la fête berlinoise dans son sens cliché, trivial et à la longue un peu vulgaire : beaucoup de drogues, beaucoup du combo qui tue club-mate/vodka/bière, beaucoup de queue pour espérer entrer au Katerholzig et autre Renate Club, beaucoup d’électro « à teneur qualitative discutable ». Et puis il y a ceux - ou celles - qui aiment bien se plaindre et que ça finit donc par profondément emmerder. Si vous faîtes partie de cette catégorie-là, et espérez tout de même découvrir un facette autre que celle offerte par la carte postale berlinoise, deux possibilités s’offrent à vous: soit vous avez beaucoup d’argent, de temps libre passé à flâner et un capital social proche du Twitter de Justin Bieber. Soit vous avez la chance d’avoir une amie très spéciale, une Berlinerin Frenchie qui connait intimement la ville et est toujours là pour vous dégoter des plans improbables qui vous prouveront une fois de plus que non, Berlin ne se résume pas à la Sainte Trinité « currywurst/kétamine/Alexanderplatz ». Grâce à elle, sait-on jamais, vous pourriez atterrir au club Gretchen un lundi soir pour vous pâmer devant les exploits musicaux d’un trio violoncelle/piano/flûte. Oui, au Gretchen. Non cette phrase n’est pas une succession d’oxymores. C’est ça aussi Berlin.
Donc lundi, après avoir (bien) entamé la soirée en redécouvrant les bars de Mehringdam, vous voici devant le Gretchen. Petit moment de malaise, ne sachant pas trop comment vous comporter : après tout, nous sommes lundi, vous ne vous êtes donc pas encore remise du week-end ; repartir sur des Jäggerbombs, ça fait un peu désordre. En même temps, vous vous rendez au Gretchen : s’enquiller des verres avant d’y rentrer tient presque du réflexe pavlovien. Mais vous allez quand même voir du classique, alors merde, un peu de tenue, de classe et de dignité s’imposent. Quoi que vous ne vous êtes jamais retrouvée à poil sur un bar à faire tourner les serviettes sur du Wagner… Il y a un début à tout. D’ailleurs, vous n’êtes pas la seule à ne pas savoir comment agir. Le videur à double emploi fait preuve d’un peu de difficulté à s’ajuster à la soirée, et vous demande sur le ton bourru de celui qui vient de te virer un troupeau d’anglais manu militari d’ouvrir votre sac. Dans la panique, vous vous mettez à décliner votre état civil jusqu’à la troisième génération dans un allemand impeccable, réflexe hérité de vos attentes moites en face du Berghain ou du Sisyphos. Une fois entrée, vous vous faîtes remarquer en sirotant votre énième consommation que c’est quand même bien pratique de pouvoir assouvir deux de vos passions sans culpabiliser (la boisson et la musique classique) ; ou plutôt, que l’assouvissement de l’une vous fait grandement déculpabiliser quant à l’assouvissement de l’autre (on vous laisse deviner laquelle).


photo credit: Stefan Hoederath
photo credit: Stefan Hoederath
Expérimenter le Gretchen en dehors de son emploi de boîte trashy est un absolu ravissement. Le club, libéré de sa clientèle habituelle,  éclairé par les lumières chaudes des écrans installés en ses quatre coins et bercé par la musique d’ambiance créée pour l’occasion se révèle étonnement agréable, calme et cosy. Une ambiance délicieusement classe et vaporeuse a envahi l’endroit, qui vous apparaît sous un jour totalement nouveau. Vous n’aviez jamais remarqué les hauts plafonds en arcades. Ni les moulures. Ni tous ces canapés pourpres style rococo, généralement perdus dans la pénombre ou sous des individus trop raides ; le tout magnifié par un piano à queue trônant au milieu de la scène aménagée pour la soirée, sans dépareiller, bien au contraire. 22h, les musiciens arrivent. Vous vous adossez à l’un des nombreux piliers et admirez le spectacle. Le concert commence par des duos piano/clarinette, rejoins plus tard par un violoncelliste. Les pièces sont assez courtes et toutes précédées d’une introduction quant au compositeur et à l’œuvre en elle-même. Les musiciens sont jeunes, séduisants, drôles, et ne font pas étalage du solennel ampoulé dont certains de leurs semblables plus âgés peuvent se révéler atteints. Malgré la bonne humeur et la légèreté apparente, le trio demeure pleinement à son art et offre un concert efficace, accessible tout en alternant entre des styles très différents. Du classique, nous passons par l’espièglerie jazzy de Gershwin, pour ensuite apprécier l’avant-gardisme anticonformiste de Debussy (cocoricooo !!), et enfin redécouvrir le mal connu mais très productif Cimarosa. Aucunes fausses notes, la musique est jouée avec emphase, passion et même humour. En résumé : 6 euros pour un excellent concert de classique dans un lieu non conventionnel et d’autant plus attractif… Que demande le peuple ? Berlin, du bist so wunderbar.

photo credit: Stefan Hoederath
Musciens: Andreas Ottensamer (Klarinette), Jose Gallardo (Klavier) und Stefan Koncz (Cello)

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