mercredi 22 mai 2013

La crise des 25.

Si vous avez un(e) petit(e) frangin(e), ce/cette dernier(e) pourrait vous confronter à une terrible interrogation: « et sinon, ça fait quoi d’avoir 25 ans ? ». Pas de panique : philanthropes que nous sommes, nous vous proposons ci-dessous une réponse, et nous vous assurons qu’après lui avoir balancé une telle diatribe, ce/cette morveux(se) n'osera plus jamais vous enquiquiner avec ses éventuels questionnements existentiels.
Allez, quitte à commencer par un enfoncement en règle de portes grandes ouvertes, il y a des éléments naturels contre lesquels vous ne pouvez pas lutter. Ou plus exactement vous pouvez choisir de lutter, mais ça ne changera rien à l’élément source de problème alors que par contre, vous pourriez y laisser quelques dents (comme l’a très justement soulevé ce grand philosophe des années 2000, dans un élan mystique visant à citer et dépasser notre ami Nietzsche – j’ai nommé Booba – : « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ou handicapé »). Par exemple, le temps qui passe. Vos 25 ans qui approchent comme un inéluctable couperet. Devenir adulte. Tiens, devenir adulte : quand vous étiez jeune (avant la 20aine quoi), vous pensiez que ça allait tout simplement vous tomber dessus, que vous alliez vous réveiller un matin, cligner des yeux et vous exclamer : "oooooooooh mais dis donc, ça y’est, je suis adulte! Aaaaaaah, mais que-ça-fait-du-bien !! Et voilà, magie de l’adultisme, je sais ce que je veux dans la vie, je sais ce qu'il faut faire pour l'obtenir, je viens de commencer un taf où je suis pleinement épanouie, j'ai mon appart, j'ai de la tune, je fais des sorties trop cool dans des endroits trop cool à boire des cocktails trop cool avec mes copines trop cool (et je me suis renommée Carrie Bradshow pour l’occasion). Oooooh, et puis je suis bonasse. Ah ça oui, mais-qu'est-ce-que-je-suis-bonaaaaasse! Bah oui, j'en ai fini avec ces vieux complexes que je me traîne depuis un nombre incalculable d'années ! Bref, je suis une jeune adulte de 25 ans, je kiff ma vie et j'emmerde le monde. D'ailleurs, c'est moi qui inspire Harvey Specter, Chuck Norris et Beyoncé, pas l'inverse“. Bon, en grandissant vous vous êtes très vite aperçue que tout n'allait pas exactement résulter d’un réveil de belle au bois dormant „ooooooooh je suis adulte“, plutôt d’un processus lent, pénible et laborieux. Mais vous ne vous attendiez pas non plus à ça. Vous pensiez que ça allait passer crème comme les 24 ans, dans une espèce de routine de la vieillerie. Que vous seriez sûrement un peu moins paumée dans la vie. Que vous en auriez fini avec ces complexes physiques qui tendent à vous pourrir l’existence. Mais que nenni : vous êtes toujours aussi perdue, et vous êtes toujours trop grosse, trop maigre, trop petite ou trop grande. Mais il y a pire.


D’abord, les insondables abîmes (que la plèbe appelle communément « rides ») du temps qui passe. Alors certes vous avez entendu sur France Inter que le temps était une notion malléable (et d’ailleurs depuis que vous avez eu 25 ans, elle vous plaît énormément, cette malléabilité), mais bon, concrètement... Si nous nous garderons bien de beugler contre les affres de la vieillesse, nous pouvons par contre légitimement nous s’insurger contre tous ces éléments qui prennent un malin plaisir à vous rappeler à quel point ç’a y’est, le crépuscule de votre existence est inexorablement en marche. Par exemple, vous êtes chez le coiffeur. Vous feuilletez un magazine quelconque, et là, vous tombez sur un dossier spécial de 24 pages (entrecoupées de pubs pour la crème Clarins « super régénérescence » à 200 euros les 50 ml) vous expliquant en long en large et en travers qu'à partir de 25 ans, vos cellules ne se renouvellent plus. Super. Pendant ladite coupe – traduction moderne du bagne s’il en est – la harpie perchée au-dessus de votre tête pousse subitement un petit piaillement, s’arrête, vous dévisage le sourire aux lèvres : « mais, mais, mais… mais c’est qu’on a un cheveu blanc ! ». Vous sentant vous raidir comme pendant une séance d’électrochocs, elle prend bien soin d’anticiper tout mouvement inopiné : « ah mais par contre faut pas le couper, parce que sinon il y en a d’autres qui vont pousser. Et puis vu que vous êtes très brune, ça va vraiment beaucoup se voir ». Et vous ne voudriez pas ça einh, que ça se voit que vous vieillissez, que vous allez commencer à considérer les titres de tous les magazines féminins comme des attaques personnelles, et que pour vous c'est le début de la fin?? Ah bah non, EINH ??!!

Mais le fait de vieillir ne se révèle pas être le plus problématique, une fois passé la boutade du ¼ de siècle (« bah t’as fait la moitié de ta vie… MEGA BAD ». Si vous n'avez pas compris la référence, malléabilité du temps ou pas : vous êtes vieux). Le gouffre est émotionnel. Un maelstrom émotionnel. Principal élément de changement drastique : l’entrée dans la vie active, puisque pour la première fois depuis vos six ans vous vous retrouverez en roue libre, sans les rails et aiguillage scolaires pour vous orienter. Deux cas de figure s’offrent alors à vous: soit vous avez récemment fini vos études, et vous avez l'angoisse de la vie active. Soit vous travaillez déjà et, désillusion oblige, vous avez - encore plus - l'angoisse de la vie active. Votre environnement routinier devient hostile. Des conversations anodines prennent tout à coup un sens effroyablement nouveau. Par exemple, vous surprenez ceci dans le métro : „nan mais je suis trop contente, j'ai posé mes deux RTT dans trois semaines, ça me fait quatre jours. Honnêtement c’est ce qui me tient, j'ai trop hâte“. Préalablement à vos 25 ans, vous n'y auriez pas porté la moindre attention (« RTT, c'est quoi ça ? Un girlsband ? Un Pokémon ? Un trending hashtag sur Twitter genre « #RamoneTaTeuch »?). A présent c'est l'arrêt sur image, les sueurs froides, une bande originale digne d'un Hans Zimmer sous amphet' quelque part dans les recoins de votre cerveau. Bref, la vie active, elle ne vous fait plus que moyennement rêver. 


Ensuite, pour la première fois, vous allez sentir les affres de la liberté : les cinq premières minutes suivant la fin de vos études, vous exultez. Le monde s’offre à vous. Après tout, vous pourriez devenir Tony Montana (ba oui, si « le monde est à vous »…) ou stripteaseuse burlesque, ou racheter HBO et les obliger à écrire une version moderne de X-Files, ou apprendre le danois (rappelons que vous apprenez l’allemand : vous n’êtes plus à un projet linguistique stupide près) et vous marier avec Nicolas Winding Refn (ou Mads Mikkelsen. Ou les deux, voyez grand). Mais cette ivresse de la liberté ne dure que cinq minutes, avant de se transformer en un précipice abyssal. Outre le fait que sans argent on ne fait pas grand-chose, vous prenez conscience que, pour la première fois, vous vous retrouvez pleinement responsable de vos choix et de vos actions. Personne d’autre n’est à blâmer que vous même. Vous voulez rester dans votre lit à rien foutre pendant une année entière? Personne ne viendra vous prendre par la main ou vous mettre un coup de pied aux fesses. Vous êtes seule devant cette liberté trop grande pour vous, et vous avez peur. La Nausée, ça vous dit quelque chose ?...


Et puis nous ne finirions pas en apothéose sans mentionner le terrible aspect rétrospectif des 25 ans. Où l’on regarde sa vie, et on se dit : « mouais, bon…». Ce n’est pas tant qu’elle est si nulle que ça, votre vie. Et ce n’est pas tant non plus que vous pensiez avoir 25 ans comme Rihanna (petit aparté : il est très pénible d’avoir des célébrités de votre âge, ou pire, plus jeune (bon, vu le niveau de la nouvelle génération, ce n’est pas avec Justin Bieber qu’on va se sentir mal). D'ailleurs, commencez à faire attention aux gens que vous idolâtrez ; par exemple, bannissez les individus du même acabit que Nicolas Jaar, aka « salut, je suis trilingue, j’ai étudié à Brown et en même temps j’ai pondu le meilleur album éléctro de 2011 (parce qu’à Brown, je me faisais chier. L’Ivy Leage, une idée très surfaite). D’ailleurs, on m’appelle « le petit génie de la techno ». Et en ce moment, je bosse avec Brian Eno. Et puis j’ai 23 ans. Et accessoirement, je suis physiquement trop une bombasse. Oh, et ai-je déjà mentionné que je n’avais que 23 ans ? »). Non, l’horreur, c’est de repenser à la gamine de 15 ans d’une imagination débordante dont le leitmotiv était: « quand je serai adulte »... Maintenant que vous êtes grande, vos vagabondages intellectuels commencent à devenir problématiques. D’ailleurs, vous ne pouvez plus légitimer vos rêveries de promeneuse solitaire avec un bon « oh, quand j’aurais 25 ans, je ferais ça » : maintenant, il faudrait être dans l’action. Interdisez vous donc de vous remémorer cette adolescente ; ça vous évitera de penser à ces endroits que vous n'avez pas vu, ces roadtrips que vous n'avez pas faits, ces buts que vous n'avez pas atteints, ces livres que vous n'avez pas lus, ces théories que vous n'avez pas comprises. Ces gens que vous n'avez pas rencontrés, ces histoires d'amour que vous n'avez pas vécues, ces mecs que vous n'avez pas baisés. C'est triste.

Bref, même à Berlin c’est chiant de grandir. Nous ne le recommandons à personne. « Compris, morveux(se) ? »
by Juju.


1 commentaire:

  1. hahaha très bon. Mais bizarrement, je me sens comme ça à l'aube de mes 32 ans, suis-je en retard?
    Celui qui m'agace, c'est Xavier Dolan, génial cinéaste de 23 ans lui aussi, beau comme un astre, et pédé, ce qui fait que je ne pourrai jamais.... ah mais je plaisante, voyons!

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