mardi 12 février 2013

When Saints Go Machine - Fail Forever / No Regular play - Owe Me (Nicolas Jaar mix)

(Source)
Pour la découverte de ces deux très beaux remixes (si vous ne la connaissez pas, écoutez la version originale de Fail Forever, puis celle ici présente… No comment), on ressort des placards un article sur le précédent album de Nicolas Jaar, Space Is Only Noise, en guise d'illustration:

"Rappelons une évidence. Un choc  musical, comme un coup de foudre, n’est jamais là où on l’attend: d’abord curiosité, l’objet de votre attention devient vite intrigant, puis magnétique. Par conséquent, à tous les sceptiques de la scène électro actuelle phagocytée par les – très, trop -  répétitives vibes berlinoises, ne vous arrêtez par à l’habit de « petit prince de la Minimale Techno » dont on a trop vite affublé Nicolas Jaar. Le jeune musicien est bien plus que cela. Étonnant en live, où sa capacité à prendre possession et recréer l’espace calfeutré d’une salle de concert rappelle Massive Attack. Reconnaissable immédiatement même dans le bruit que peut vite devenir la musique en club. Hypnotique sur un ipod.




New yorkais, chilien, des origines françaises par sa mère, Nicolas Jaar peut se vanter d’un background haut en couleurs. Au-delà de l’équation « multiculturalisme = cool attitude », éclectisme et métissage sont indéniablement au cœur de sa musique et en huilent les mécanismes parfois complexes. Ne nous étonnons pas donc de voir le jeune prodige allier la reine Beyoncé, Badalamenti et Acid Pauli avec une évidence déconcertante. A l’occasion de son premier Essential Mix sur la BBC 1 et de la sortie de l’hybride The Prism, il apparaît opportun de se replonger – l’image n’est pas trop forte -  ou de découvrir le premier album du jeune producteur.

« Ils appelleront sûrement ça Chill Out. Ça me donne envie de me tirer une balle ». Nous l’auront compris, comme beaucoup d’êtres à la croisée de plusieurs cultures, Nicolas Jaar déteste les classifications réductrices et fuit les dénominations hâtives avec une constance étonnante. Après le succès de ses précédentes compositions, (Mi Mujer, ou le bijou caliente Love You Gotta Lose Again), la critique comme le public attendait son premier album comme le Messie au pays de l’électro. Mais surprise, le jeune producteur délaisse sa panoplie musicale classy et bariolée pour une virée inattendue dans un univers protéiforme où flotte en maître le spectre de l’inquiétante étrangeté. La peur de s’enfermer dans ce rôle confortable de petit génie de la techno next generation et le dédain affiché pour le star system y étant surement pour quelque chose, Space Is Only Noise est un album insolite, vaporeux, déroutant. Le message est clair : amis de la mélodie facile, passez votre chemin.

L’écoute nécessite du temps, et cela tombe bien : ici, la lenteur est maîtresse  L’espace en tant que leitmotiv rythme l’objet, parcouru de part en part par la dynamique du voyage, thème dont chaque chanson serait une illustration sonore. Le fantomatique vaisseau Colomb donne le ton, mélancolique, seulement brisé de temps à autres par une voix – française – assez déformée pour ne plus être tout à fait humaine. Le jeune producteur nous offre un énigmatique voyage de quelques quarante minutes aux intonations parfois angoissées, traversé de temps à autres par des traits de légèreté supposée (Problem With The Sun), et proposant des mélodies plus enlevées les unes que les autres (Balance Her Between Your Legs). L’album apparaît d’une cohérence rare, évidente grâce à l’image récurrente de l’eau, ou aux violon, piano et saxo venant tour à tour briser puis reconstruire l’unité sonore. Cohérence également par des trouvailles acoustiques impromptues, comme ces cliquetis qui rappelleront sûrement à tous les fans de Myazaki (un autre créateur d’étranges paysages), les petites créatures blanches de Princesse Monoké, aussi anthropomorphiques que la musique qu’ici elles rythment. Et, phénomène assez rare pour être relevé, la voix du DJ lui-même s’invite, chaleureuse là où la mélodie inquiète (Too Many Kids Finding Rain In The Dust), sensuelle ou nonchalante (la balade Keep Me There). Cette voix ne se fera véritablement marquée que pour la chanson éponyme Space Is Only Noise If You Could See, seul hit évident (et à ce titre, faussement mal aimé par son créateur) et pierre angulaire entêtante de l’album. En définitive, plutôt que de s’attarder sur une complexité déjà mille fois produite, Nicolas Jaar minimalise sans pourtant simplifier, polit le son pour un résultat cristal et peaufine l’ambiance tel un orfèvre, quitte à parfois nous perdre : l’hermétisme demeure un travers facile pour toute expérimentation, et à trop vouloir s’affranchir et innover, la musique peine parfois à éviter l’écueil du rébarbatif. Finalement, Space Is Only Noise pose lui-même sa propre problématique par une interrogation du premier titre, Etre. Dans cette belle et énigmatique introduction, Godard et Daney se demandent : « Peut-on décrire bien un paysage si on ne le parcourt pas de la terre jusqu’au ciel, aller et retour ? » : non, et le voyage est long, mais le paysage en vaut très largement la chandelle. S’y perdre sans modération."


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